Eugène Rouher : le vice-empereur

Originaire de Riom, Eugéne Rouher est né le 30 novembre 1814. Il est orphelin de père à l'âge de trois ans. Il suit en Auvergne un cycle d'études sérieux avant de partir pour Paris comme étudiant en droit. Il devient avocat en 1836. Candidat malheureux du gouvernement Guizot en 1846, il est élu dans les rangs conservateurs en 1848.
Il voit la Révolution de 1848 lui donner sa chance.
Il soutient la candidature de Cavaignac aux présidentielles avant d'intégrer le parti de l'ordre. C'est sur la liste bonapartiste qu'il est réélu en 1849. Il est nommé ministre en 1849 et partagera les responsabilités du pouvoir durant vingt ans. Devenu garde des Sceaux en octobre 1849, il met en place un régime répressif contre la presse.

Ayant participé à la préparation du coup d'Etat, il conserve sa charge de garde des Sceaux et est l'un des principaux rédacteurs de la constitution. Opposé à la confiscation des biens des Orléans, il démissionne mais est nommé trois jours plus tard vice-président du Conseil d'Etat. Il défend les lois du gouvernement, en avocat plus qu'en politique : « La politique ne représentait pour lui ni un principe, ni une passion : c'était un dossier qu'on lui donnait à plaider ».
 

Eugène Rouher

Travailleur infatigable, il devient indispensable à l'empereur et acquiert, en tant que ministre d'Etat, une telle influence que la presse lance le terme de "rouhernement" pour gouvernement. Il vit simplement, fuit le plus possible la vie brillante de la cour la plus élégante d'Europe où l'on raille ses manières quelque peu rustiques. Une caricature de Daumier le montre dansant la bourrée au ministère de la Marine !

Il est ministre des travaux publics, de l'agriculture et du commerce de 1855 à 1863. Il devient sénateur en 1856, président du Conseil d'Etat en 1863 et ministre d'Etat la même année, ce qui lui permet de représenter l'Empereur au sein des assemblées.

Enfin, il devient président du Sénat peu après la mort de Troplong, le 20 juillet 1869. La libéralisation du régime lui fait perdre une partie de son influence politique. Après la chute de l'Empire, il est élu représentant de la Corse, puis du Puy de Dôme et prend la direction officieuse du parti bonapartiste.

Son dévouement à l'empereur ne se démentira jamais, même lorsque son rival Emile Ollivier le fera écarter du pouvoir. Il assistera navré au naufrage du régime, suivra Napoléon III dans son exil anglais et rentrera en France brisé par la mort du Prince Impérial chez les Zoulous. Il ne se représente pas aux élections de 1881 et meurt trois ans plus tard. Au cimetière de Broût-Vernet, sa pierre tombale rappelle le souvenir de cette fidélité exemplaire.
 

Eugène Rouher

 

Eugène Rouher à compiègne (série 1863)

Un soir de novembre 1863, homme de taille moyenne vêtu d'un pantalon noir à sous-pied et d'une stricte redingote arpente le quai de la gare du Nord à Paris ; il est un peu en retrait de la cour brillante et colorée qui entoure Napoléon III et Eugénie, et s'apprête à envahir le train spécial pour Compiègne.

Ce jour-là, Eugène Rouher s'est résigné à faire partie des invités de l'un des séjours au château de Compiègne. Tandis que Rouher, baptisé ironiquement "le vice-empereur", se retire pour se replonger dans les dossiers extraits de la pochette de maroquin dont il ne se sépare jamais, le reste des invités prend le thé jusqu'au moment où toute la série se rend au grand salon. Là, Rouher va retrouver toutes les célébrités du temps : Alexandre Dumas fils, Octave Feuillet Charles Gounod, le chirurgien Nélaton, l'architecte Viollet-le-Duc, les peintres Jérôme et Meissonnier...

Malgré son peu de goût pour les mondanités, Rouher ne peut s'empêcher d'être saisi d'admiration par la révérence d'une grâce incomparable de l'Impératrice, vêtue de satin blanc, le célèbre diamant "Le Régent" brillant dans sa chevelure aux reflets roux. L'Empereur la suit de sa démarche un peu traînante et l'on se rend en cortège à la salle à manger. Soucieux de ménager les deniers de l'Etat, l'Empereur n'a voulu voir à sa table que des couverts et des plats Christofle et non en argent massif : à son arrivée au pouvoir, il n'y avait plus d'argenterie d'Etat.

Au cours du dîner, la conversation devenue générale roule sur les désagréments de certains voyages et l'Empereur rappelle qu'il a connu, mieux que tous les convives, ces inconvénients lorsque, pauvre et réprouvé, il voyageait en Amérique portant sur l'épaule sa petite malle, de gare en embarcadère, sous une chaleur torride.

Ensuite, tandis que l'Impératrice reste à causer avec les dames et que les hommes passent au fumoir, l'Empereur entraîne Eugène Rouher dans son cabinet de travail pour évoquer avec lui l'un ou l'autre des problèmes d'actualité. Laissant les autres invités tourner au son d'un piano mécanique ou - distraction très en vogue à la cour - débiter des charades, Rouher se retire pour travailler encore à ce qu'il croit être le meilleur pour le pays.

 
 



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