La peinture sous l'Empire

Sous le Second Empire, il existe une administration des arts. L’académie des Beaux-Arts est très puissante : elle contrôle l’Ecole des Beaux-Arts, le concours du Prix de Rome et le Salon. Le personnage clef de cette administration est le surintendant des Beaux-Arts, le Comte Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892) qui doit sa carrière à son intimité avec le Princesse Mathilde. Le personnage est discuté. On lui reproche le prêt de toiles au cercle impérial, on critique les méthodes qu’il préconise pour la restauration des tableaux, on s’offusque qu’il ait laissé l’Impératrice faire installer au château de Saint-Cloud un Murillo appartenant au Louvre.



Le Comte Emilien de Nieuwerkerke

Napoléon III n’a pas un intérêt particulier pour l’art, mais il cherche à encourage les artistes et se rend en visite au Salon. Il y fait des achats réguliers. Certaines acquisitions, notamment de copies, sont en fait des secours déguisés. L’art académique prédomine encore. Bien connu est l’achat de la Naissance de Vénus de Cabanel en 1863.



La naissance de Vénus de Cabanel

Les toiles de Corot, de Courbet sont au nombre de celles des collections privées de Napoléon III et d’Eugénie. L’Impératrice fait installer au palais de fontainebleau un musée chinois constitué à partir des objets pillés au Palais d’été de Pekin en 1860. A Versailles, la série des portraits des maréchaux est continuée et des salles sont consacrées aux campagnes de Crimée et d’Italie. La création du « Musée des Souverains », au Louvre, est décidée en 1852 : Cinq salles présentent au public objets et toiles relative à l’histoire de France depuis Childéric. Une salle entière est consacrée à Napoléon 1er et au roi de Rome. En 1863, l’archéologue et vice-consul de France découvre les morceaux de la victoire de Samothrace à Andrinople et les fait rapatrier au Louvre.

  

La victoire de Samothrace et la dentellière de Vermeer acquise en 1870

La dentellière de Vermeer est achetée en 1870. Le Louvre commence à bénéficier d’importantes donations. L’Ecole des Beaux-Arts joue un rôle majeur dans la vie artistique. Le but de chaque élève est d’être admis à participer au concours du Prix de Rome qui dépend directement de l’académie des Beaux-Arts. En 1863, l’Empire entreprend de réformer l’Ecole L’académie perd sa tutelle sur l’Ecole et le Prix de Rome. Le « Salon des Artistes Vivants » est la principale manifestation artistique au XIXeme siècle. Installé dans le Palais de l’Industrie aux champs Elysées, le salon se déroule au printemps et dure plusieurs mois. L’Académie des Beaux-Arts le contrôle et applique avec étroitesse des critères académiques pour admettre ou refuser les œuvres qui seront exposées. Ainsi, chaque année, des tensions plus ou moins vivent sont provoquées par le grand nombre de refus. Pour un artiste, le Salon est le lieu ou l’on se fait connaître et ou l’on progresse dans sa carrière : l’admission au Salon confère un statut d’artiste professionnel. Il faut être exposé pour espérer recevoir des commandes publiques. Sous le Second Empire, la grande peinture classique (mythologie, allégories) est toujours présente au Salon mais seules les commandes de l’Etat rendent possible le maintien de cette production que le public n’admire plus que par habitude. Le Second Empire, est la aussi, une période de transition ou les critères du marché se substituent peu à peu à ceux du système académique. Corot, Millet, Courbet, Rousseau font partie des peintres dont on vend les toiles. Le début de l’impressionnisme est là même si le terme n’est pas encore inventé. L'Impératrice fait même décerner la légion d'Honneur à Rosa Bonheur pour ses représentations animalières ; elle est la première femme à recevoir cette décoration.

   

L'angelus  et les glaneuses de Jean-François Millet

Le marché de l’art se structure. La première grande vente se déroule en mai 1852. C’est celle de la collection du Duc de Morny, au cours de laquelle le Louvre achète 18 000 francs un tableau de Denner. Ce nouveau marché est stimulé par la demande des collectionneurs dont bon nombre se recrute parmi la bourgeoisie d’affaires. Schneider, Rotchild, Pereire se constituent d’ambitieuses collections de peinture. On remarque que ce sont les entrepreneurs appartenant aux secteurs les plus dynamiques qui se spécialisent dans l’art contemporain, où les risques sont plus grands.



Un enterrement a Ornans de Gustave courbet

En 1855 et en 1867, lors des deux grandes expositions universelles organisées par la France, Courbet avait défié le Salon en présentant sa propre exposition au rond-point de l’Alma. En 1859, c’est le peintre François Bonvin (1817-1887) qui avait présenté dans son atelier les toiles de ses amis que le jury n’avait pas admises. Napoléon III, en 1863, décide d’organiser un « Salon des refusés » au sein même du Palais de l’Industrie afin de laisser le public juge de la légitimité des réclamations des artistes. La mesure libérale prise par l’Empereur fait sensation mais l’exposition ne rencontre qu’un succès de moquerie. L’expérience n’est renouvelée qu’une fois en 1864.



Le bain turc de Jean-Auguste Dominique Ingres

La première décennie du régime, est en effet, dominé par le Delacroix et Ingres. Lors de l’exposition universelle de 1855, chacun d’eux dispose d’une salle retraçant leur carrière. L’influence de Ingres se retrouve sur des peintre comme Amaury-Duval (1808-1885), portraitiste de la comédienne Rachel en 1854, ou sur Hippolyte Flandrin (1809-1864), peintre dont le portrait de Napoléon III est un véritable succès au Salon de 1863.



Eugène Louis Boudin, L'impératrice Eugénie sur la plage à Trouville, 1863.
Huile sur panneau, 34.3 x 57.8 cm. Glasgow City Council (Museums).
Photo © Glasgow City Council (Museums)

Delacroix continue à travailler au décor de la chapelle des saints-Anges à l’église Saint-Sulpice. A côté de ces deux grandes figures, l’époque est riche en peintre académiques que l’on appelle pas encore « pompiers ». Parmi ces artistes « officiels » mentionnons Jean-Léon Gérôme (1824-1904) dont l’Etat lui commande en 1861 le tableau représentant la réception des ambassadeurs du Siam par le couple impérial à Fontainebleau. Il faut évoquer Paul Baudry (1828-1886), portraitiste reconnu et décorateur du foyer de l’Opéra. Gustave Courbet, avec sa réputation de provocateur, n’est pas très bien compris du public et devient le chef de file des réalistes… Il refuse tout conciliation avec l’Empire et n’accepte pas le Légion d’honneur qui lui est attribuée en janvier 1870. Parallèlement à l’œuvre puissante de Courbet, les années 1850 sont marquées par l’essor de l’école de Barbizon qui doit son nom à un village situé en lisière de la forêt de Fontainebleau. Les jeunes peintres qui s’y rencontrent autour de Théodore Rousseau et de Jean-François Millet (1814-1875) sont partisans de la peinture de plein air et renouvellent l’art du paysage déjà brillamment illustré par Camille Corot (1796-1875).

Encore plus en marge du système sont les futurs peintres impressionnistes qui commencent à faire parler d’eux dans les années 1860. Le jeune Claude Monnet (1840-1926) subit l’influence de Boudin. En 1863, Monet rencontre dans l’atelier du peintre Gleyre Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), Frédéric Bazille (1841-1870) et Alfred Sisley (1839-1899). Les quatre amis vont peindre en forêt de Fontainebleau. Camille Pissaro (1830-1903) fait également partie du groupe qui comprend aussi Paul Cézanne (1839-1906), ami de collège d’Emile Zola. Pour tous ces jeunes peintres, Edouard Manet (1832-1883) est un modèle. Après avoir quitté l’atelier de Thomas Couture (baptême du Prince Impérial) et voyagé en Europe, Manet est remarqué au Salon de 1861 grâce au « chanteur espagnol ». Son « déjeuner sur l’herbe » fait scandale au Salon des refusés de 1863. On se moque de cette femme nue assise aux côtés de deux hommes en habits modernes. L’Impératrice soufflette la toile de son éventail lors de sa visite.

Pendant l’exposition universelle de 1867, Manet s’associe à Courbet pour exposer cinquante trois œuvres au rond-point de l’Alma. Avec « l’exécution de l’Empereur Maximilien », peinte à chaud, l’artiste porte un jugement critique sur l’expédition du Mexique, rare incursion dans l’actualité politique.



Oedipe et le sphinx par Gustave Moreau 1864

Précurseur du symbolisme, Gustave Moreau (1826-1898) fait sensation au Salon de 1864 avec son « oedipe et le sphinx » acheté 8 000 francs par le Prince Napoléon-Jérôme. Edouard Degas (1834-1917), qui se situe quelque peu en marge du mouvement impressionniste prend pour sujet la vie moderne : les courses, l’opéra. En 1865, Monet peint le déjeuner sur l’herbe. Monet et Renoir en 1869 choisissent d’aller peindre devant les guinguettes de Chatou : les toiles inspirées par ce lieu témoignent que la technique impressionniste est à cette date tout à fait créé…

A la chute de l’Empire tous les éléments sont en place pour un profond renouvellement et une nouvelle compréhension de l’art pictural.

 
 



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