Les oeuvres sociales sous l'Empire

 
La révolution industrielle a entraîné tout au long du XIXe siècle une diminution du nombre des petits artisans, de plus en plus remplacés par des ouvriers à mesure que se multipliaient les usines. En 1866, on dénombrait environ 3 millions d’ouvriers. Leur longue journée de travail – officiellement elle est de 11 heures à Paris et de 12 heures en province – leur valait à un piètre salaire. Confrontés à des prix qui avaient augmenté plus vite que leurs revenus, beaucoup de ménages d’ouvriers et de petits employés, surtout à Paris, ne parvenaient pas à équilibrer leur budget. Dans la capitale, la « haussmannisation » avait relégué nombre d’entre eux dans les faubourgs et dans d’importantes villes ouvrières aux logements souvent étroits et insalubres. L’atelier était « souvent un palais à côté de la chambre qu’habitait le travailleur » (E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l’industrie en France depuis 1789), et le cabaret était le refuge de ces ouvriers.



Asile impérial de Vincennes : fête de l'Empereur

Outre les ouvriers, la société recelait bien d’autres malheureux encore : malades, infirmes, vieillards impotents, enfants abandonnés… dont beaucoup étaient recueillis dans les hôpitaux, les hospices et les crèches de l’Assistance publique. Le Second Empire a eu à cœur de développer ou de créer de telles institutions. Les malades, par exemple, n’étaient plus abandonnés à leur sortie de l’hôpital : deux maisons de convalescence furent créées en 1855 près de Paris, l’une à Vincennes pour les hommes, l’autre au Vésinet pour les femmes. Les indigents bénéficiaient quant à eux des bureaux de bienfaisance. Comme les autres communautés religieuses, l’Eglise catholique, notamment la société de Saint-Vincent-de-Paul, faisait preuve d’un grand dévouement : création de crèches, d’écoles, de patronages, de fourneaux économiques, de caisses de loyers, distribution de secours en nature et en argent…

 



L'Impératrice Eugénie rendant visite aux pauvres

La scène édifiante qu’a peinte par Léon Goupil, ci-dessus, a pour cadre un logement ouvrier, une mansarde aux murs lépreux, pauvrement meublée d’un lit, de deux chaises, d’une table de toilette où est posée une cuvette de faïence et que surmonte un miroir brisé. Un petit poêle de fonte chauffe sommairement la pièce au sol carrelé de tommettes. Un christ de bois est accroché au mur, qui rappelle que, si cette famille est dans le besoin, elle n’en est pas moins une famille chrétienne.

Une femme élégante donne de l’argent à une pauvre femme assise à gauche, les genoux couverts d’un châle. Ses trois enfants l’entourent et forment avec elle un groupe serré et solidaire, d’une grande dignité dans l’infortune. Selon toute vraisemblance, la généreuse donatrice n’est autre que l’impératrice Eugénie. Nombreuses ont été en effet ses visites chez des nécessiteux souvent malades, dont on lui avait signalé la détresse et à qui elle tenait à apporter en personne des encouragements et des secours. L’impératrice se rendait également dans des établissements de bienfaisance : hôpital, salle d’asile, crèche, ou bien – parce qu’il y avait là quelque bien à faire, quelque sauvetage à tenter – auprès de jeunes détenus.

 



L'Impératrice Eugénie et Napoléon III visitent une crèche

Le tableau d’Edouard Sain ne met pas en lumière un acte de charité individuelle, mais la visite officielle des souverains dans une institution caritative qu’ils encouragent et soutiennent de leurs deniers. La toile représente le couple impérial à la crèche de sœur Rosalie. Au centre de la composition, deux petites filles, poussées en avant par sœur Rosalie, offrent une corbeille de fleurs à l’impératrice. L’empereur se tient aux côtés de la souveraine.

Cette crèche est une institution charitable créée par la société de Saint-Vincent-de-Paul et dirigée par sœur Rosalie, de son vrai nom Jeanne-Marie Rendu (1787-1856), sœur de Saint-Vincent-de-Paul.

Ces deux œuvres témoignent du bonapartisme social et humanitaire de Napoléon III, auteur, rappelons-le, de L’ Extinction du paupérisme paru en 1844. Pour l’empereur, la croissance économique avait pour but d’améliorer le sort du plus grand nombre. Mais faute de suffire à assurer le bien-être de la classe laborieuse, cette expansion devait être accompagnée de mesures concrètes dont certaines relevaient de la philanthropie, de la charité organisée ou de l’ assistance aux plus démunis. D’où les nombreux dons auxquels procédait l’empereur lors de ses voyages en province ainsi que les œuvres – crèches, orphelinats, asiles – patronnées par lui, sa famille et son épouse, Eugénie ayant fondé ou apporté son soutien à plusieurs organisations philanthropiques. C’est ainsi qu’ a été créée en 1862 la société du Prince impérial, organisme de prêts sur l’honneur dont les crédits étaient destinés à aider les familles momentanément dans le besoin ou à permettre à des personnes modestes d’acquérir leurs instruments de travail. Ces prêts ont favorisé, par exemple, l’installation de médecins cantonaux, afin de faciliter l’accès des paysans aux soins médicaux.




Napoléon III visitant les innondés de Tarascon en juin 1856



Napoléon III distribue des secours aux innondés de Lyon 1856-1857



Les innondés d'Angers en 1856

L’œuvre sociale de Napoléon III a donc été bien réelle, mais l’empereur n’a eu néanmoins ni le temps ni les moyens de mener à son terme une législation sociale conforme à ses ambitions.

 
 



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