L'adolescence du Petit Prince

Le 2 septembre une dépêche de Paris prescrit de partir pour Landrecies où l'on arrive à midi. Les dépêches se succèdent sans interruptions apportant des nouvelles contradictoires. Son entrée à Landrecies fut triomphale. La musique jouait l'hymne impérial "En partant pour la Syrie" (Cet hymne celui du Second Empire vient d'un air créé par la Reine Hortense, mère de Napoléon III), les pompiers faisaient la haie et les habitants des villages environnants, l'acclamaient de toutes leurs forces. Le Prince et sa suite, chez le maire M. Marie Soufflet. Le soir du 3 septembre, Landrecies ignorait encore la capitulation de Sedan, et célébrait de son mieux la présence de l'héritier du trône dans ses murs.Le Dimanche 4 septembre, à sept heure du matin sur un ordre formel de l'Impératrice on part pour Maubeuge. A l'arrivée dans cette ville, le lieutenant Watrin, qui a envoyé le maréchal des logis Berneir en avant pour préparer le logement, reçoit de ce dernier des informations concernant la capitulation se sedan. A dix heures et demie, le Prince est installé rue Royale chez Mme Marchand. A Maubeuge, la population crie à la trahison et veut s'en prendre au Prince Impérial et à son escorte. Le lieutenant Watrin fait arrêter un mobile qui excite la foule et les Cent-Gardes se placent en faction tout autour de la maison où loge le Prince. Le Prince connaît maintenant l'étendue du désastre et la défaite de Sedan. Une dépêche de l'Impératrice arrive à trois heures et demie de l'après-midi : Le commandant Clary décide de le faire partir aussitôt en secret pour la Belgique : Les Cent-Gardes sont prêt à se faire tuer jusqu'au dernier pour protéger son départ. Le Prince Impérial revêt des vêtement civils et prend place dans un break très simple avec le capitaine de vaisseau Duperré.

L'exil

Au moment du départ, il se retourne vers le lieutenant Watrin, l'embrasse pour tous les Cent-Gardes et, en le pressant contre sa poitrine d'enfant, lui dit: "Allons ! du courage ; adieu, Watrin !". Puis traversant les jardins, la voiture gagne la frontière Belge. Le 5 septembre, Watrin regagne Paris en train avec son peloton.

Arrivé à Ostende, il prend le bateau pour les îles britanniques. Louis arrive en Angleterre le 6 septembre 1870.

Le Prince Impérial débarque à Douvres (GB) avec ses trois aides de camp puis gagne Hastings où sa mère le rejoint le 8 septembre 1870. Des membres de la cour impériale sont déjà présents. Ils logent dans un hôtel de second ordre, le Marine Hôtel, où son père avait couché il y a 30 ans. La première chose que Louis demande est de hisser le drapeau Français. Le prince de Galles leur offre Chiswick House, sa maison de campagne. Finalement, l'Impératrice et le prince déménage pour Camden Place, petite propriété qui se situe à 1/2 heure de Londres, le 20 septembre 1870. Louis reste attentif à se qui se passe en France, à la poursuite de la guerre et notamment au sort des 300 000 soldats Français qui sont encore prisonniers. Le 30 novembre 1870, la Reine Victoria et sa fille la Princesse Béatrice rendent visite aux exilés.

Le 28 janvier 1871, l'armistice est signé avec la nouvelle Allemagne et le 20 mars 1871, l’empereur déchu arrive à Douvres. Par une coïncidence dont seul l'Histoire a le secret, les Bonaparte rencontrent sur les quais de la gare de Douvres les princes de la famille d'Orléans qui eux, rentrent en France avec la déchéance de l'Empire! Ils se saluent sans plus....

Lorsque parvient la nouvelle des tragiques évènements de la Commune de Paris, en mars 1871, Louis est en pleure. Ce n'est pas tant l'incendie du palais des Tuileries que la destruction de la Colonne Vendôme, mais surtout le fait que les Français se battent entre eux. Par ailleurs, le Prince Impérial pleure la mort de l'abbé Deguerry, celui-là même qui a fait faire la communion de Louis. L'abbé est fusillé par les communards après avoir été pris en otage.

La mort de Napoléon III

Le 9 janvier 1873 meurt Napoléon III à Chislehurst, alors même que l'Empereur et les membres du parti Bonapartiste préparèrent leur "retour". Les obsèques ont lieu le 15 janvier. De nombreux Français sont venus assister à l' enterrement de l'Empereur. Le village de Chislehurst est bondé. On remarque une délégation d'ouvriers en blouse ou en veste de velours dont le chef porte au bout d'un bâton, un drapeau de fortune. Elle marche en tête du convoi, autour du char funèbre, quelques grands dignitaires de l'Empire. Derrière le cercueil, seul, le Prince Impérial, dans son habit noir que barrait le grand cordon de la Légion d'Honneur. Après la cérémonie, on peut entendre "Vive l'empereur, vive Napoléon IV ". Ce à quoi, le Prince répond par : "Non messieurs. l'Empereur est mort, mais la France vit encore. Il faut crier : Vive la France !"Son cousin le Prince Jérôme Napoléon manifeste, dès le lendemain des obsèques, la volonté, comme premier prince de la famille impériale, de se voir confier la tutelle de Louis jusqu'à sa majorité. Mais Eugénie, sagement, ne veut y consentir, et il regagne Paris où il mène une opposition sourde aux responsables du parti, fidèles à l'Impératrice. Dès le premier été, celle-ci emmène son fils à Arenenberg (en Suisse), où ils retourneront chaque année.Le prince impérial est relativement ouvert pour son époque. En août 1872, avec son père, il visite le plus grand paquebot de l'époque : le "Great Eastern". Ce navire inspire Jules Verne pour son livre "la ville flottante". Lors d'une visite au centre du Génie à Chatham, Louis fait par de sa surprise face à une nouvelle invention que l'on appelle le téléphone affirmant que cela aura un impact plus grand que le télégraphe.Adapter ses conceptions personnelles, les conceptions d'un esprit de vingt ans très ouvert sur son temps, aux impératifs napoléoniens qui ont donné ses structures à la France moderne, ce sont là le but des réflexions politiques du Prince Impérial. Ce jeune homme en est encore au stade des lectures, de la réflexion, des interrogations, des illusions aussi. Il a pleine conscience de la gravité des problèmes et ses notes, ses cahiers, sont remplis d'ébauches, de projets.

La prise de position du Prince Impérial le 15 aout 1873

Après la mort de son père, Napoléon III en 1873, et à sa majorité en 1874, il devient le chef de la Maison Impériale et le prétendant au Trône à travers le parti Bonapartiste "l'appel au peuple". Il est pour l'égalité des citoyens face au service militaire et la fin du remplacement alors en vigueur ainsi que pour une aristocratie du mérite. Autre sujet dont l'Empire libéral avait amorcé l'étude : la décentralisation. Il souhaitait également voir la création de 18 régions chacune votant le budget comme aux U.S.A. ou en Suisse. Il élabore un projet de constitution où la Chambre des députations provinciales, élue par les États provinciaux, partage la puissance législative avec la Chambre des pairs composée des illustrations politiques du pays déléguées par le clergé, la magistrature, l'armée et l'ordre civil. De plus cette Chambre des provinces voterait le budget annuel et posséderait un droit de veto à déterminer.Quant à la République dont il pense qu'elle s'effondrera d'elle-même, il préconise face à son nouveau président Jules Grévy une "sympathique abstention" car c'est le seul membre républicain qui ait répondu en septembre 1870 à l'appel de l'Impératrice pour l'union nationale.Les idées sociales du Prince ont été grandement influencé par son père Napoléon III. Rappelons que ce dernier avait écrit de sa prison du fort de Ham son livre "vers l'extinction du paupérisme". Il jugeait nécessaire de faire disparaître " l'ouvrier esclave pour qui le travail est odieux, sans intérêt, sans espoir, dont l'âme est écrasée ". Pour le Prince, il fallait améliorer "l'état du salarié sans cesse menacé par une misère imméritée et dont la tâche est une corvée", il fallait surtout "intégrer l'ouvrier dans les profits de l'entreprise". On reconnaît là l'écho des préoccupations paternelles. "Il faut donner à la classe ouvrière des droits et un avenir", avait dit Napoléon III. À la fin de son règne, n'avait-il pas fait étudier par le Conseiller d'État Robert un projet de participation aux bénéfices! Il apparaît donc que les idées de Napoléon III se reflète chez son fils. De plus, le Prince, bien que hors de France, se fit envoyer de nombreux rapports sur la situation sociale et politique des Français pour pouvoir mieux appréhender les problèmes de son temps.

Louis visite la garnison de Woolwich et assiste à une démonstration d'artillerie. Passionné par la chose militaire, il est inscrit à l'académie militaire royale de Woolwich "Royal military academy of Woolwich" . Il y entre le 17 novembre 1872 après avoir passer l'examen d'entrée avec son ami Louis Conneau. Dans le long couloir qui mène au réfectoire de l'académie, les élèves marquent leur nom au couteau; on peut encore lire cette signature "Napoléon". On aménage pour le Prince et son ami Louis Conneau un petit appartement dans la West Tower où ils apportent leurs livres personnels. Cependant, Filon s'occupe de louer pour les deux jeunes élèves officiers, juste en face de l'école militaire, dans une rue où les constructions sont toutes pareilles, désespérément monotones, une petite maison. Elle a Quatre étages: au sous-sol, la cuisine; au rez-de-chaussée, une salle à manger; au premier, un salon avec potiches et piano; au second, les chambres. Ils vont y habiter à six, le Prince Impérial, Filon, Louis Conneau, Uhlmann, une cuisinière et une Housemaid. Louis rentre à Camden Place chaque week-end.Le Prince se destine à l'artillerie, l'arme dans laquelle débuta son grand oncle. Le prince et son ami Louis Conneau durent se séparer le 17 octobre 1874 car ce dernier fut admis à Saint-Cyr ce qui ne fut pas possible au prince impérial. Finalement, le prince obtint le grade d'officier artilleur. A l'examen final en 1875, il fut classé 7ème sur 34. Il aurait pu être 4ème mais Louis a refusé de faire l'épreuve de Français car il y a vu une position de supériorité face aux autres candidats, ce que Louis se refuse.

La majorité du Prince Impérial

Pour fêter cet anniversaire, 8000 français viennent à Chislehurst, de même que des milliers d'anglais. Une grande manifestation fut prévu et la propagande redoubla. Par milliers furent distribués des images représentant le Prince et l'Empereur, ou bien Napoléon IV porté sur un bouclier que soutenaient un ouvrier, un paysan, un bourgeois en redingote, ou bien encore le prince tenant d'une main le drapeau tricolore, tandis que l'autre était posée sur l'urne du suffrage universel. Trois millions de cartes de visite de Napoléon IV portant "Tout pour le peuple et par le peuple" furent répandues et collées sur les murs. D'après le Times, on parlait plus que jamais de l'Empire et du Prince Impérial dans la capitale française. Le matin du 14 mars 1874, la gare Saint-Lazare grouillait de voyageurs qui assaillaient le train pour Londres. Des voyageurs de toutes conditions, mais qui tous portaient des violettes à la boutonnière (la violette est la fleur symbole des Bonapartistes). Même animation à la gare du Nord. Arrivé en Angleterre, les admirateurs du Prince Impérial, français ou anglais sont acheminés par trains spéciaux. Dans les gares londoniennes, des grandes affiches bilingues; bleu, blanc, rouge proclament "Lundi 16 mars - Majorité du Prince Impérial". La gare de Chislehurst est pavoisée de drapeaux tricolores. Les cloches du village sonnent à toute volée. Lorsque apparaît le Prince et l'Impératrice, on n'entend partout: "Vive l'Empereur!" "Vive l'Impératrice!" .

Le discours que prononça le Prince au cour de la cérémonie finit par ces mots: "je suis prêt à accepter la responsabilité que m'imposerait le vote de la nation". Le Prince Impérial devenait officiellement le prétendant pour un troisième Empire.

Il existe de nombreuses anecdotes qui prouvent la popularité du Prince: Un délégué parisien offre un rameau pris d'un marronnier dans le jardin des Tuileries. On raconte que le garde du Jardin, d'abord fulminant et prêt à dresser une contravention, a répondu au coupable qui venait de couper le rameau: " Ah ! c'est pour les 18 ans du Prince ? vous m'en direz tant ! Vous pourriez même couper l'autre. Vous voyez, pour lui faire plaisir, l'arbre s'est mis en avance. Portez lui aussi mes compliments, au Prince, avec ceux de mes camarades. Nous sommes tous pour lui !". Même si on peut douter de cette anecdote, le Prince jouit tout de même d'une popularité certaine quelque soit la condition sociale.

Sous le nom de comte de Pierrefonds, le Prince va entreprendre, en compagnie de sa mère, un long voyage privé en Italie en 1876. Pendant ce voyage en Italie, Louis, son cousin Joachim Murat, et Espinasse parcourent le champ de bataille de Solferino, puis de Magenta. Le 15 décembre, il est à Rome où il a une audience de son parrain, le pape Pie IX, qui le reçoit chaleureusement. Puis le Prince retourne à Florence où il passera la fin de l'hiver avant de rejoindre Camden au printemps de 1877, laissant l'Impératrice continuer son voyage vers Naples et l'Espagne.

La nouvelle loi sur la conscription en vigueur en France lui donne le droit, dont il va user, de faire tirer son nom au sort en même temps que les autres citoyens de sa classe. Mais le 28 janvier 1878, appelé sous le nom de Bonaparte, son numéro, le 307, ne sera pas retenu. La vie qui lui est offerte en Angleterre est sans doute attrayante pour un garçon de son âge. La haute aristocratie lui ouvre ses chasses, l'invite à ses réceptions et à ses bals, même la reine Victoria, qui éprouve pour lui une réelle affection, l'accueille volontiers à la Cour. Louis ne peut pourtant s'accommoder de cette vie oisive qui conviendrait à beaucoup de princes en exil. Il passe les années 1878-1879, entre le camp de manœuvres d'Aldershot et Londres. Il s'est fait installer une chambre prés de Regent Street, chez Dumont, le coiffeur à la mode. Un lit, une armoire, une table, un fauteuil et quelques chaises.

Sur l'invitation du roi de Suède, Oscar II (1829-1907), il part visiter les pays scandinaves en juillet 1878. Accompagné du comte Joachim Murat, président du groupe de "l'Appel au Peuple" à l'Assemblée et du fidèle Piétri, Louis va s'arrêter d'abord au Danemark, reçu à Copenhague par le vieux roi Christian IX (1818-1906), avec les honneurs souverains. Successivement il visitera Malmö, Drottningsholm, Stockholm et Goteborg. En compagnie du prince héritier Gustave (1858-1950!), le voyage se poursuit en Norvège, dans la région du Thelemark. Poursuivant en touriste, il fait des promenades sur les lacs de Tinsjö et de Nordsjö, les ascensions du Rjukanfos et du Ravnejuvet, avant une croisière dans le Christiana fjord au cours de laquelle il étonne ses hôtes en plongeant du pont du navire dans les eaux glacées.

Pour le 15 août, date de sa fête (c'est la saint Napoléon), il est de retour à Arenenberg où il va passer ses dernières vacances, accueillant de nombreux visiteurs, notamment le cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen, qui n'a pas hésité à s'exposer aux représailles républicaines pour venir s'entretenir avec lui.

La mort du Prince Imperial

 
 



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