L'enfance du Prince Impérial

Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, Prince Impérial, est né le 16 mars 1856, au palais des Tuileries. Il est l’héritier de Napoléon III et de l'impératrice Eugénie. Il doit assurer la descendance de la dynastie des Bonaparte, et devenir le futur Napoléon IV. L'arrivée au monde de cet héritier est pénible. L'Impératrice a beaucoup souffert en lui donnant la vie. Il a fallu employer les fers. L'enfant est « si gros, si fort, avec de longs cheveux noirs » qu’il paraît avoir trois mois. Il porte sur le front la trace des fers.

Pour la naissance du Prince qu'on appellera Eugène-louis Napoléon, la ville de Paris lui offre un berceau aux armes de l'Empire. Ce berceau est toujours visible au musée Carnavalet à Paris. A l'occasion de l'exposition "Le pourpre et l'exil" faisant le paralèle de deux vies brisées, (celle de l'Aiglon et du Prince Impérial, futur Napoléon IV), le berceau vient d'être récemment restauré.

Le 14 juin 1856, le Prince Impérial est baptisé en grande pompe à Notre Dame de Paris. Napoléon III dira de la cérémonie et des réjouissances qui s'en suivirent : « Un tel baptème vaut bien un sacre...»

L'Empereur a voulu mettre tout de suite l'héritier sous la protection de l'armée. Dès le 26 avril 1856, le prince est inscrit au registre des enfants de troupe, au 1er régiment des grenadiers de la Garde Impériale. A deux ans, le couturier Staub lui confectionne un uniforme de grenadier de la Garde Impériale. Par ailleurs, une ordonnance est attachée au Prince dès sa naissance, il s'agit de Xavier Ulhmann, qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort.

A sept heures, le canon des Invalides annonce aux parisiens la naissance du petit prince. On compte les coups de canons. 21 coups pour une fille. 101 pour un garçon. Au vingt et unième, il y eut un arrêt. Tout le monde pense que c’est une fille ! L’adjudant qui commandait le tir, et qui avait annoncé la venue au monde du roi de Rome (Napoléon II) en 1811 connait son affaire. Facétieux, il ordonne une pause au bout des Vingt et un coups… Enfin le vingt-deuxième retentit, Napoléon III a un fils.

Au même moment, en Crimée, à Sébastopol, les canons français, anglais, et russes réconciliés résonnent ensemble pour saluer la naissance du prince.

Le 17 mars 1856 est une journée de liesse populaire. Malgré le froid et la pluie, les parisiens peuvent assister aux illuminations, à des bals en plein air, à des feux d'artifice.

Le baptême a lieu à Notre-Dame de Paris, le 14 juin 1856. La famille Impériale est conduite dans le carrosse qui servit à Reims, lors du sacre de Charles X. Le parrain est le Pape Pie IX et la marraine est la reine de Suède, Joséphine, fille d'Eugène de Beauharnais, cousine de l'Empereur. Il s'est fait représenter par le cardinal-légat Patrizzi, qui baptise l'enfant, et la reine de Suède par la Grande-Duchesse de Bade, sa cousine.

L’éducation du Prince Impérial doit être irréprochable. La reine d'Angleterre Victoria, amie de l'Impératrice Eugénie lui conseille de prendre une nurse : Miss Shaw est envoyée par la reine Victria. Le jeune prince appelle la jeune fille "nana". C'est une jeune anglaise qui adore le petit.

Napoléon III adore son fils, l'Impératrice Eugénie sait compenser la faiblesse paternelle de l’Empereur en imposant des règles d'éducation strictes qui la feront accuser de manquer de tendresse pour son fils, mais qui se révèleront salutaires.

Pour le petit prince, il n'y a pas d'étiquette, pas de préséance et l'enfant peut entrer à toute heure dans le cabinet de l'Empereur. On doit cependant vouvoyer le Prince Impérial et les Cent-gardes le saluer. De plus, Louis Napoléon doit assister aux cérémonies officielles comme l'ouverture de la session législative, ou bien encore la réception d'ambassadeurs comme en 1861 et l'accueil des ambassadeurs de Siam.

Très jeune il est associé aux manifestations de prestige du régime. On le voit accompagner l'Impératrice régente à un Te Deum, à Notre-Dame de Paris, en 1860, pour célébrer les victoires d'Italie.

Au retour de la campagne d’Italie, c'est assis sur le devant de la selle de Napoléon III, qu'il assiste le 14 août, au long défilé triomphal des troupes, place Vendôme. La foule s'habitue à le voir et l'acclame à chaque cérémonie publique. Incontestablement il est très populaire et sa popularité sert le régime. Enfin l'Empereur l'emmène régulièrement en août au camp de Châlons, autant pour le familiariser avec les troupes que pour le montrer à l'armée. Il n'a que 4 ans lorsqu'il s'y rend pour la première fois. Louis suit d'abord les manœuvres dans une voiture minuscule, mais bientôt, il se tiendra à coté de l'Empereur sur son poney "Bouton d'or".

Il ne fréquente pas l'école publique. Il lui est également attribué un précepteur à l'age de 7 ans. Francis Monnier, professeur au collège Rollin va appliquer une méthode pédagogique contestable qui n'aura d'autre effet que de faire prendre au Prince un retard considérable sur les enfants de son âge. Devant l'échec de la méthode Monnier, il est le 16 mars 1867, remis entre les mains d'un gouverneur, le général Frossard, officier du génie, homme froid et d'une autorité guindée, voire sévère.

Le gouverneur est, heureusement, assisté par un jeune universitaire de qualité, Augustin Filon, qui prend son service en octobre 1867 et, en quelques années va faire rattraper au prince son retard. Un autre professeur participe à l'éducation du Prince Impérial : Ernest Lavisse, celui qui deviendra un pontife de l'université républicaine et libérale. Le Prince a une sensibilité artistique certaine et totalement innée. Il est doué pour le dessin et le piano.

Une enfance paisible

Le Prince Impérial joue avec des amis de son âge malgré le fait qu'il n'aille pas à l'école publique. Jules Lespinasse est son aîné de deux ans. Louis Conneau est le plus intime de tous, Ces enfants se livraient à leur jeux dans une immense pièce, au premier étage du Pavillon de Flore.

En 1869, le Prince Impérial et l'Impératrice se rendent en Corse pour célébrer le centenaire de la naissance de Napoléon Ier. A Ajaccio, le 29 août, lorsque le prince visite la maison natale de Napoléon Ier, l'enthousiasme est à son comble, la foule le presse à l'étouffer, mal contenue par la police débordée. Le prince dit alors calmement : "Laissez-les entrer, ils sont de la famille." Désormais, tout ce que l'Empereur accomplit, selon son dessein, il le fera dans la perspective du règne de celui qu'on nomme le Prince Impérial, et peut-être futur Napoléon IV...

On aménage pour le prince un appartement aux Tuileries entre le pavillon de l'Horloge (Détruit en 1870) et le pavillon de Flore (musée du Louvre), trois salons en enfilade au rez-de-chaussée avec double vue sur le Carrousel et l'Arc de Triomphe. On accédait à son appartement par le couloir intérieur qui desservait le rez-de-chaussée, ou bien, de la place du Carrousel, par un perron particulier qui menait à une antichambre ou salon d'attente. Ensuite se succédait une salle d'huissiers; le salon de miss Shaw et sa chambre à coucher; la chambre d'atours où les habits du petit prince étaient rangés dans de hautes armoires; la salle à manger; une pièce réservée au jeu de billard anglais et à celui de la toupie hollandaise, où des oiseaux pépiaient dans une volière et des poissons rouges nageaient dans un aquarium; une autre pièce pleine de jouets : maison chinoise, frégate en miniature, équipements de soldats ou de chasseur, cheval de bois (un grand cheval à bascule de la grandeur d'un poney), ballons, lanterne magique, polichinelles, etc...; puis la chambre à coucher.

Sa chambre est capitonnée de satin bleu (en 1866) avec un lit en marqueterie sous un lambrequin au chiffre napoléonien. La chambre porte la marque de la foi catholique de sa mère, l'impératrice Eugénie : médailles de la vierge, croix de toutes sortes, bouquets de buis béni et même une chapelle de style byzantin, avec peintures sacrées sur fond d'or et d'émail. On trouve dans l'embrasure des fenêtres, de petits fauteuils, des chaises lilliputiennes, des réductions de canapés, meubles de sa première enfance dont Louis ne veut pas se séparer. Son cabinet d'études est blanc et or, les murs sont ornés d'un portrait de l'Impératrice par Winterhalter et d'une lithographie de Napoléon Ier, ainsi que de Mme de Montijo, la mère de l'impératrice. On pouvait y apercevoir des bustes de napoléon III et d'Eugénie, un petit Napoléon Ier équestre en ivoire ainsi que deux globes terrestres. Entre deux fenêtres, une bibliothèque contient les livres que Napoléon Ier avait fait venir à Sainte-Hélène, ainsi qu'une collection d'ouvrages anglais. Napoléon III fit édifier le bâtiment dit du Jeu de Paume pour les distractions du prince impérial.

Dans une armoire vitrée, "Loulou" peut voir le bicorne, l'épée et la redingote grise de son Grand-Oncle. La chambre de Louis donne sur la rue du Bac d'où sort l'omnibus Grenelle - Porte Saint-Martin, ce dont le prince se souviendra jusqu'à sa mort. Lorsqu'il sera en exil, le Prince regrettera de ne plus le voir.

Une fois par jour, Louis traverse Paris en calèche. C'est pour aller à Bagatelle, une superbe propriété en plein bois de Boulogne appartenant au marquis de Hertford. Les Parisiens s'habituent à voir passer sa calèche au galop, entourée de spahis aux longs manteaux rouges ! L'escorte est constitués soit de guides, soit des spahis rouges, bleus et blancs. La voiture traverse le jardin des Tuileries puis passe par les Champs-Élysées, pour continuer par l'avenue de l'Impératrice (actuellement avenue Foch) jusqu'au bois de Boulogne. Le Prince Impérial répond aux saluts des passants en soulevant son petit chapeau avec un sourire.

Le jeune Prince Impérial est un garçon espiègle qui parfois n'en fait qu'à sa tête. Un jour, Louis disparaît. Depuis longtemps, il rêve d'aller manger des frites chez une certaine mère Rissole, au coin de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Manger des frites dans un cornet de papier gras, quels délices! Ulhmann et d'autres valets de chambre, partent tous à sa recherche, fouillent le jardin des Tuileries, inspectent la rue de Rivoli. En vain, il faut prévenir l'Empereur. Vers 18 heure, alors que la police est sur les dents et toujours en alerte, Louis rentre au palais. Enchanté de son après-midi, il raconte son aventure : il a discuté avec un monsieur très intéressant. L'enfant finit par demander à son père où se trouve Cayenne !

De même, Il a réussi à faire rentrer un âne au conseil des ministres, tenter d'escalader la façade des Tuileries ! voir même de remplir avec des dragées les bottes d'un Cent-gardes en faction...

La guerre de 1870

Lorsque survient la guerre Franco-prussienne de 1870, le prince a 14 ans. Comme la plupart des Français, il pensait que la victoire serait rapide. La victoire d'Iéna de 1806 est encore présente dans les esprits. Le 28 juillet, il part avec son père Napoléon III pour Metz. Celui-ci n'est pas en état physique (il a des calculs dans la vessie) pour mener une campagne militaire. Voulant éviter tout cérémonial pour son départ vers une guerre qu'il ne souhaitait pas, Napoléon III et son fils partent vers le front depuis la petite gare de Saint-cloud. Le Prince Impérial a revêtu son uniforme de sous-lieutenant avec la plaque de la Légion d'Honneur. C'est la dernière fois que le Prince voit Paris. Pendant que l'Empereur et le Prince Impérial partent pour le front, l'Impératrice Eugénie assure la régence. Le 30 juillet 1870, le Prince Impérial passe en revue les Lanciers de la Garde Impériale alors stationnés à Metz sur l'île de Chambière.

Le 1er août, Louis accompagne son père à un conseil de guerre. Quelques jours après son arrivée au front, Louis, au comble de l'exaltation assiste à une bataille devant Sarrebruck au cours duquel il reçoit son baptême du feu. Un milliers de prussiens tenaient garnison à Sarrebruck, la première ville de l'autre coté de la frontière. Tous les soldats sont unanimes à saluer le courage et le sang froid du jeune garçon se jour-là. Napoléon III envoya un télégramme à l'Impératrice restée à Paris :

"Deux août. Louis vient de recevoir le baptême du feu: il a été admirable de sang-froid, il n'a été nullement impressionné... Nous étions en première ligne et les balles et les boulets tombaient à nos pieds. Louis a conservé une balle qui est tombé auprès de lui." Napoléon

Il s'agit là d'un combat mineur. Mais la campagne se poursuit mal. De place en place, le jeune prince suit d'abord son père, de Metz à Gravelotte, de Chalons à Rethel. Le Prince avec ces différents changements, mange à peine, dort mal. Déjà, le 23 août à Reims, l'Empereur quitte le Prince Impérial. "Ne pleure pas, lui dit-il, nous nous retrouverons à Rethel. "Louis se raidit et refoule ses larmes. Puis le 27 août à Tourteron, où il se sépare à nouveaux de l'Empereur qu'il ne reverra que vaincu en mars 1871. Cette humiliation de son père, Louis en gardera une trace indélébile. Comme les fastes de l'Empire sont loin.

Lorsque le 27 août, le Prince Impérial quitte l'Empereur, il est accompagné d'un peloton de 30 Cent-Gardes sous le commandement du Lieutenant Watrin. Le Prince est en petite tenue de sous-lieutenant d'infanterie, avec la plaque de la Légion d'Honneur. Il monte dans un landau à deux chevaux, ayant à sa gauche le capitaine de Vaisseau Duperré et en face de lui les commandants Clary et Lamey, officiers d'ordonnance. La voiture est précédée par une avant-garde de Cent-Gardes commandée par le maréchal des logis Bernier. Le Lieutenant Watrin se tient à la portière de droite et le reste des Cent-Gardes commandés par le maréchal des logis Maillot, ferme le cortège. Après s'être arrêter à Poix pour déjeuner, le cortège reprend sa route et finalement parvient à Mézières.

Le 28, au matin, sous un orage épouvantable, départ pour Sedan. Parvenu à destination, une alerte a lieu vers les neuf heures. Les Cent-Gardes partent en reconnaissance mais rien de suspect n'est découvert. Toutefois, le commandant Clary juge que le Prince n'est plus en sûreté et le retour à Mézières est décidé. On s'y installe en fin de matinée. Le soir même, à vingt-trois heures, le commandant Clary vient trouver le lieutenant Watrin et lui donne l'ordre d'un départ subit. On court de maison en maison pour réveiller les Cent-Gardes et à deux heures du matin, le 30 août, tout le monde s'embarque à la station de Charleville, dans un train spécial à destination d'Avesnes où l'on parvient à cinq heures. Le Prince Impérial se rend chez le président du tribunal civil et les Cent-Gardes sont logés à la sous-préfecture. Toute la journée du 30 août, le Prince se repose.

Le 31 aout, le jeune Prince vit en reclus dans la maison Honnoye, dévoré par l'anxiété et demandant à chaque instant des nouvelles que personne ne pouvait lui donner. Le 1er septembre 1870, le commandant Duperré décide de prendre l'air avec lui, aux environs de la ville. Le temps est lourd, l'enfant triste et préoccupé. Ici se place l'incident raconté par le comte Clary : "Tout à coup, nous voyons Monseigneur se dresser, prêter longuement l'oreille. De sourds grondements, à peine perceptibles, nous arrivaient par bouffées fugitives. On eut dit d'un orage, d'un orage très lointain. Reconnaissant le bruit nous nous taisons : malgré tous nos efforts, nous ne pûmes tromper le Prince : "Mon Dieu ! disait-il, on se bat... C'est le canon !". Ce canon était celui de Sedan... à l'heure même où son père se tenait immobile sous une pluie d'obus au plateau de Bazeilles.

Pendant cette sortie, le Prince Impérial traversa le village de Saint-Hilaire aux cris enthousiastes de "Vive l'Empereur ! Vive le Prince Impérial !" Dans la soirée, on annonce l'arrivée en gare d'Avesnes d'un train rempli de soldats. Le comte Clary y courut et trouva le colonel de Coatpont avec son régiment. Ce dernier ne savait pas grand chose. Il avait reçut l'ordre de se replier par les lignes du Nord. Il croyait qu'une grand bataille avait été perdue. On n'informa pas le Prince de cet incident. Depuis son arrivée à Avesnes, il n'y a aucune nouvelle de l'Empereur et les communications avec l'Impératrice régente restée à Paris étaient difficiles et peu sures. Des fuites avaient été repérées dans le service spécial de l'Empereur.


l'adolesence du petit Prince

 
 



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